Sherbrooke, le 16 janvier 2014
Monsieur Sylvain Gaudreault
Ministre des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire
Aile Chauveau, 4e étage 10, rue Pierre-Olivier-Chauveau Québec (Québec) G1R 4J3
Objet : Réforme de la gouvernance municipale
Pour une véritable réflexion sur la gouvernance municipale au Québec
M. Sylvain Gaudreault,
Au Québec semble s’installer, depuis quelques années, une inquiétante tendance à vouloir diminuer la représentation citoyenne dans les municipalités. Avant la dernière élection municipale, c’était Longueuil et Québec qui diminuaient la taille de leur conseil municipal, et Sherbrooke souhaite maintenant les imiter en tentant d’instaurer une coupe de plus du tiers de son conseil municipal sans qu’aucun mécanisme sérieux de consultation citoyenne ne soit prévu pour permettre d’entendre la population et pour étudier la question sereinement.
La réduction à la pièce des conseils municipaux du Québec est préoccupante puisqu’elle n’est encadrée par aucune règle claire et n’est surtout soumise à aucun débat national. Un tel débat est absolument nécessaire, car il permettrait aux élus et à la société civile de réfléchir au genre de démocratie qu’ils souhaitent voir instaurer au niveau municipal. Ce débat a eu lieu lors des fusions municipales, et une élection a même été consacrée en partie à l’enjeu des défusions. L’abolition d’une grande partie des représentants des citoyens au niveau municipal devrait au minimum attirer l’attention du gouvernement.
Le problème est d’autant plus grave que la réduction du nombre d’élus est présentée comme une solution à un problème budgétaire, qu’elle n’aide par ailleurs en rien à régler. En effet, les économies potentielles à tirer de ces différentes « réformes de la gouvernance » sont minimes. À Sherbrooke, l’abolition de sept sièges au conseil municipal ne permettrait d’économiser que quelques dixièmes de pourcentage du budget total de la municipalité, et ce, dans le scénario le plus optimiste. Rien ne nous assure que les prochains conseillers municipaux ne décideront pas de hausser leurs salaires sur la base d’une augmentation de leurs charges. Rien ne nous garantit non plus qu’ils n’autoriseront pas l’embauche de personnel cadre supplémentaire pour les épauler. Plus généralement, il n’existe pas, au Québec, de consensus politique ou scientifique sur les bénéfices qu’apporteraient de telles réformes.
S’il est absolument impératif de débattre de ces questions, il appert que le niveau municipal est mal outillé pour guider sereinement ce débat. Les règles du jeu de ce palier de gouvernement font en sorte qu’une proposition d’amputation du tiers de l’organe législatif d’une ville ne doit être approuvée que par une majorité simple du conseil. Imaginez un instant, Monsieur le Ministre, que votre gouvernement propose d’abolir une quarantaine de députés de l’Assemblée nationale ou qu’il s’engage dans un redécoupage draconien de la carte électorale. Par convention, vous ne pourriez procéder en toute légitimité avec une simple majorité, car on considère les enjeux entourant les institutions démocratiques comme des enjeux transcendant les intérêts partisans. Pourtant, aucune convention de la sorte ne semble régir le fonctionnement de nos instances municipales. Le débat s’y fait plutôt à coup de sondages et il est scellé par des conseillers qui se retrouvent dans la position inconfortable de devoir légiférer sur leur propre existence. C’est un environnement malsain, peu propice à la prise de décision éclairée.
Évidemment, la décision d’une ville doit être approuvée par votre ministère, d’autant plus si elle implique une diminution plus importante que ce que la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités prévoit. Il s’agit néanmoins d’un procédé qui nous apparaît tout à fait inefficace. Après Sherbrooke, combien de villes suivront ? Combien de modifications à la charte d’une ville le gouvernement devra-t-il superviser ?
En 2012, lorsque les réductions du nombre d’élus à Québec et à Longueuil avaient été étudiées en commission parlementaire, votre collègue Agnès Maltais avait fait remarquer à votre prédécesseur, Laurent Lessard, qu’il serait plus approprié d’ouvrir le débat pour toutes les municipalités et non de procéder à la pièce. Il serait grand temps d’offrir cette solution aux municipalités du Québec et à leurs citoyens en imposant tout d’abord un moratoire sur les projets de réduction des conseils municipaux et en ouvrant un chantier de réflexion sur la gouvernance municipale au Québec. Il en va de la santé de la démocratie municipale québécoise.
Veuillez agréer, Monsieur le ministre, nos salutations distinguées.
Les signataires sont des citoyens et des citoyennes de Sherbrooke
Claude Dostie Jr, co-porte-parole du Mouvement Sherbrooke Démocratie
Évelyne Beaudin, co-porte-parole du Mouvement Sherbrooke Démocratie
Pierre Meese, président du Regroupement contre la disparition de Brompton
Benoit Dionne, conseiller d’arrondissement de Brompton à Sherbrooke
Denis Pellerin, ingénieur et candidat à la mairie de Sherbrooke (2009 et 2013)
André Nault, président des AmiEs de la Terre de l’Estrie
Denis Demers, ancien conseiller municipal de la municipalité d’Ascot (1991-2001) et ancien président de la Commission scolaire catholique de Sherbrooke (1979-1987)
Antoni Daigle, candidat au poste de conseiller municipal de la Croix-Lumineuse à Sherbrooke (2013)
Edwin Moreno, candidat au poste de conseiller municipal d’Ascot à Sherbrooke (2013)
Pascal Cyr, PhD, candidat au poste de conseiller municipal de Desranleau à Sherbrooke (2013)
Hélène Pigot, candidate pour Québec Solidaire à Sherbrooke
France Croteau, intervenante communautaire
Raymond Duquette, président du Regroupement des usagers du transport adapté de Sherbrooke métropolitain
Jean-Simon Campbell, président d’Option nationale Université de Sherbrooke
Caroline Patsias, professeure agrégée de Science politique à l’Université du Québec à Montréal
Jocelyn Fortier, citoyen
Jean-Patrick Brady, ancien président de la Fédération étudiante de l’Université de Sherbrooke (2004-2005)
Suzan MacNider Taylor, géographe
Patrice Côté, entrepreneur
Sylvain Bérubé, mathématicien
Alexandre Demers, citoyen
Lyne Moreau, citoyenne de l’arrondissement de Brompton à Sherbrooke
Raymond Gaudreault, citoyen de l’arrondissement de Brompton à Sherbrooke
Julie Babin, chargée de cours à l’Université de Sherbrooke
Nicolas Beaudoin, professeur de philosophie au Cégep de Sherbrooke
Lysiane Allard, orthophoniste
Jade Lampron Bergeron, étudiante en éducation spécialisée
Samuel Pépin, étudiant à la maîtrise en environnement
Philippe-Antoine Demers, citoyen
Simon Mongeau-Descôteaux, citoyen
Gilles Samson, consultant
Jean Beaudin, géologue
Gabrielle Gagnon, agente de communication
Vincent Beaucher, citoyen
Pierre-Marc Perreault, citoyen de l’arrondissement de Brompton à Sherbrooke
Julie Masson, citoyenne de l’arrondissement de Brompton à Sherbrooke
Sandra Côté, citoyenne de l’arrondissement de Brompton à Sherbrooke
Rémi Larivière, citoyen
Karine Desroches, citoyenne
Alexis Poulin-Thomas, citoyen
Me Mélanie Beaudoin, notaire
Fanie Lebrun, citoyenne